Le Chien Rose
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Chien Rose

Un grand n'importe quoi dans la tradition des grands n'importe quoi du net
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

 

 Roman

Aller en bas 
AuteurMessage
Mr Meuh!
Master de la Ceremony
Mr Meuh!


Nombre de messages : 1612
L'endroit où j'ai mes fesses posées :
Date d'inscription : 15/07/2004

Roman Empty
MessageSujet: Roman   Roman Icon_minitimeMar 7 Juin - 21:54

Puis qu'on en parlait, je vous colle ici un extrait, un chapitre terminé de mon roman, c'est un peu long sans doute à lire comme ça à l'écran, alors hésitez pas, imprimez le.




Le Cimetière.


Elle marchait d’un pas décidé, sa jupe longue en jean épiçait joliment ses hanches femelles, le manteau noir tombait à mi cuisse, le col couvert d’une écharpe en laine vive qui se nouait sur ce qu’elle avait de plus jolie quand elle était nue, ses seins blancs et roses en forme de pomme. Mais elle n’était pas d’humeur démonstrative, il y avait trop d’hiver, et puis le travail, et son mec. Son mec qui lui bouffait lentement le foie. Elle traversa la rue Vaugirard et remonta jusqu’à la rue Bargue en pestant contre les merdes de chiens qui parfumaient tout le quartier. Paris la déprimait, le 15ème la déprimait, la France la plombait, pendant un instant elle eut envie de faire une pause café mais elle se ressaisit en pensant à lui. Petit soldat qui se sentait coupable de le laisser à sa solitude. Alors elle dépassa le buraliste, prit à gauche et remonta la rue jusqu’au 15. Ils habitaient dans une espèce d’appartement sombre, trafiqué sur des restes de salon bourgeois du début du 20ème siècle, au 5ème sans ascenseur, dans la cage d’escalier il y avait encore des becs de gaz, leurs fenêtres donnaient sur la cour, les voisins à trois mètres, mais ce n’était pas cher et ils débutaient dans la vie professionnelle. Quand elle ouvrit la porte, Raph bondit sur elle un bouquet de fleur à la main, joyeux et les yeux vagues, dans les rugissements d’un Kurt Cobain, « Come as you are ». Une odeur de tabac et de haschich flottait dans la pièce. Il composait ses fleurs lui-même, avec des rouges, des jaunes, des roses feu ; des bouquets d’adultes inspirés Fischer Price. Ils s’embrassèrent tendrement, elle le remercia vivement, ils se câlinèrent gentiment, puis il baissa la musique et leur roula un pétard. Etait-ce le 10ème de sa journée de chômeur ? Peut-être plus, son cerveau était en béchamel, l’énergie au point mort, il se sentait coupable et essayait de donner le change : le bouquet, la joie gamine, parler, parler beaucoup, pas forcément pour ne rien dire et jamais stupidement mais pour occuper l’espace. Pour autant elle était peut-être trop amoureuse, trop immature, ou les deux pour s’en rendre parfaitement compte.
Tandis qu’il parlait, elle ôta son manteau et se rendit dans la cuisine leur préparer le dîner. Faire la cuisine relevait pour elle d’une forme de thérapie, un moment pour se recentrer de toute sa journée. Des journées à se débattre contre la préfecture, les hôpitaux et les services sociaux, venir en aide aux familles atteintes de la maladie. Il la rejoignit et demanda des nouvelles d’une de leurs amies.
- Comment va Tass’ ?
- Pas bien.
Il lisait dans ses pensées, pas bien ça voulait dire très mal. Tassadite et elle s’étaient rencontrées à travers l’association, elle avait deux enfants, Amin et Doudja, son mari était reparti en Algérie, mourir auprès des siens, elle-même, on le savait, n’en avait sans doute plus pour longtemps. Anna lui rendait régulièrement visite et chaque fois il voyait à son air que son état se dégradait. Il aurait bien aimé la soulager de cet air là, mais il n’y avait rien qu’il puisse faire, l’agonie des autres est un chemin de croix personnel que même la plus grande expérience ne peut soulager.
- Tu sais je crois qu’elle attend que les petits soient placés pour partir.
- Sans doute, répondit-il en lui tendant le spliff.
La première fois qu’il avait lui-même rencontré Tassadite, il avait lu dans son regard une rage de vivre toujours écrit dans les yeux de ses femmes atteintes de misère, de maladie ou de désolation personnelle, alors que chez les hommes cette rage semblait un éternel reproche au monde. La dernière fois, l’étincelle avait disparu et ça lui avait fait peur, mais il n’en avait rien dit à Anna. Maintenant elle voyait, et pire elle la regardait mourir un peu plus chaque jours, il ne savait que faire.
- Depuis qu’elle est rentré de Bordeaux elle a changé, essaya t-il de lui faire remarquer.
- Depuis que Kamel est mort elle a changé, rétorqua t-elle comme pour se défendre d’une évidence qu’elle avait du mal à accepter.
En fait ils avaient tous les deux raisons mais elle avait du mal à lui laissé le dernier mot quand il s’agissait de ce qu’elle considérait comme sa tribu. Parce qu’il y avait quelque chose d’exaspérant chez lui, d’effrayant même parfois, cette façon d’épingler d’un regard une situation ou un être qui vous démolissait toute belle illusion et avortait en même temps votre propre analyse, scalpait votre jugement.
- Oui c’est juste, reconnu t-il s’en voulant de ne pas avoir intégré Kamel dans la donne. Encore une fois Anna était meilleur juge, plus sensible et moins incisive. Et le placement ça avance ?
- On a peut-être trouvé une famille d’accueil en attendant que Sarah les prenne.
- Elle est comment Sarah ? Elle assure ?
- J’ai pas confiance en elle, répondit Anna en lui rendant le joint.
Il tira une longue bouffée dessus et demanda :
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle oublie de donner ses médicaments à Doudja. C’est comme si elle en avait peur… Et puis Doudja a du mal avec elle, j’ai peur qu’elle essaye de la séparer d’Amin.
- Ca serait pas une bonne idée, ils sont fusionnels dans cette famille.
- Oui… Doudja est comme sa mère…
- Elle attend de mourir ?
Il y eu un silence, Anna malaxait les steacks de soja, consciencieuse comme en tout ce qu’elle faisait. Le mot « mourir » au lieu de « partir » venait de tracer un fait inéluctable contre lequel chaque jours pourtant elle essayait de trouver des solutions. Un mot impudique pour elle sans doute, plus trop pour Raph, malheureusement.
- Oui… et elle fera comme elle si j’ai raison, elle attendra que son frère soit placé…
- Tu crois vraiment que Tassadite va se laisser mourir ?
Cette fois Anna ne tiqua plus.
- Elle est déjà entrain de mourir, ce n’est plus qu’une question de jour.
Le silence revint et aucun ange ne passa, sans doute quelque chose de mieux à faire ailleurs… Il tira une dernière fois sur le joint et l’écrasa dans le cendrier qu’il tenait dans l’autre main.
- Et si on les adoptait ?
Le mot était tombé de sa bouche sans même qu’il s’en rende compte. Un mot si définitif qu’une fois lâché plus personne ne pouvait l’ignorer. Un engagement total, d’autant plus total que Doudja était condamnée, et que finalement Anna n’avait jamais voulu d’enfant. Absolu même puisque cette femme qui observait son corps avec une certaine répugnance s’occupait avec dévouement du corps des autres, de leurs enfants et des familles, s’occupait de sauver. Ainsi, sans en avoir conscience, et sans doute pour de mauvaise raison, il la mettait au défit de cet engagement, et la collait au pied du mur d’une preuve d’amour pour lui-même pas moins totale, puisque lui avait toujours désiré des enfants et qu’en lui les mots « DDASS », « orphelin », « abandon » avaient l’odeur particulière de la chair brûlée, marqué au fer rouge sur son cœur, un fer en six lettres : Eliane. Elle laissa passer un long silence avant de répondre d’un élan définitif :
- Oui je veux qu’on les adopte !
Il l’observa un instant, réalisant soudain l’énormité qui venait de tomber et conscient des épaules qu’il faudrait pour en supporter le poids, mais au bout de cet instant il sut intimement que des deux seul lui était prêt. Il demanda :
- C’est la DDASS qui s’occupe du dossier ?
- Oui.
- Très bien… écoute je te préviens, je les connais, ce sont des cons de compétitions, alors il nous faut absolument deux choses si on veut que ça marche, un bon avocat et le soutien complet de l’association, il faut que Myriam soit derrière nous, tu me comprends ?
- Oui.
- Tu me promets Anna hein ? Tu en parlera à Myriam et à l’assoce. Si on va vers la DDASS sans tout ça, on est mort, on a aucune chance ! Et moi je ne veux plus jamais que ces connards me gâchent la vie ! Tu as compris ?
- Oui, c’est promis…
Mais au second coup d’œil, il sut qu’elle n’en ferait rien.
Tassadite mourut comme prévu, dès qu’elle eu l’assurance que ses enfants étaient placés. Ils tenaient à ce qu’Amin et Doudja aillent à son enterrement, ils n’avaient pas vu leur père partir et avaient veillé sur l’agonie de leur mère, on ne pouvait les traiter comme de simples figurants. La communauté dont elle et Sarah étaient issues avaient pourtant un autre avis là dessus. Les ennuis commençaient. Les Frères Musulmans, lugubres barbus bouffis de leurs propres peurs érigées en certitudes, tentèrent de les empêcher d’approcher du cortège, et l’on n’en serait venu aux mains si pour une fois l’agent des pompes funèbres n’étaient pas sortit de sa réserve de coutume. Mais les enfants, Raph, Myriam, Anna et d’autres durent rester à distance tandis que barbus et imam descendaient le corps dans la tombe sous une pluie de circonstance. Raph était en colère, autant d’indécence, d’irrespect pour des questions de principe c’était bien au delà de ce qu’il pouvait admettre, les enfants n’avaient-ils pas au moins droit à leur propre deuil ?
Il allait bientôt réaliser qu’en fait de droit, ils n’en avaient aucun, sinon ceux que leur octroieraient la soit-disant sagesse des adultes. Ce qu’il savait au fond depuis l’enfance….
Passée la sinistre cérémonie, la comédie, non moins sinistre, pouvait commencer. Raph qui n’avait pas voulu s’engager sans un soutien solide réalisa désolé que son intuition avait été une nouvelle fois la bonne. Il n’y aurait aucun soutien digne de ce nom. Mais, sans aucun doute par une mollesse de ce que l’on appel amour et qui n’est en vérité qu’une solitude à deux, il fit preuve de lâcheté, laissant l’affaire se gérer comme Anna espérait qu’elle se gère.
Anna ne voulait pas de bataille pour les enfants, elle trouvait cela indigne. L’on parlait d’êtres humains, pas de titre de propriété, de viande, d’objet. D’ailleurs il aurait s’agit d’objet, de nourriture, d’une substance vitale, comme l’est par exemple l’argent dans notre société, elle aurait immédiatement abandonnée la partie. Anna avait décidé une bonne fois pour toute que ce matérialisme là, celui qui engageait les combats, les acharnements entre chacun était indigne de sa conception du monde, barbare. Anna était droite, droite, absolue jusqu’à l’irréalisme, pire, jusqu’au mépris et elle n’avait aucun complexe vis à vis de ce mépris là, c’était selon elle la seule réponse digne.
Au fait, il était évident qu’ils n’avaient pas la même conception du monde ni la même expérience, et Raph manquait beaucoup trop d’assurance pour imposer la sienne qui pourtant était bien la plus adroite, la plus claire. Il avait parfaitement compris ce que le futur leur réservait. Trop bien même. Car c’était bien là une des faiblesse majeure de leur couple : entre eux, intimement, en secret d’eux même, une forme de concurrence s’était établi. Sur le jeu de l’intuition, don si précieux et auto attribué au genre féminin –avec les applaudissement du public masculin que pourtant cela n’arrange guère- il était maître, comme il l’était sur le sens de l’analyse, mais surtout, plus simplement, il était plus mûr qu’elle, même si parfaitement déroutée par une multitude de complexe de lui-même. Anna avait quelque chose à prouver, autant aux hommes –et en premier, bien entendu, à son père- qu’à lui et au monde entier, pas moins. Anna D. contre le monde entier… une lutte sans avenir. Le problème c’est qu’il n’y a pas de lutte sans au moins un perdant, une victime, des dommages collatéraux qui sont toujours plus meurtrier bien sûr que les dommages directs. Et bien entendu la concurrence concomitante à cette histoire éroda leur couple jusqu’à l’os.
Revenir en haut Aller en bas
Mr Meuh!
Master de la Ceremony
Mr Meuh!


Nombre de messages : 1612
L'endroit où j'ai mes fesses posées :
Date d'inscription : 15/07/2004

Roman Empty
MessageSujet: Re: Roman   Roman Icon_minitimeMar 7 Juin - 21:55

la suite ici, parce que cette connerie de forum supporte pas les mess trop longs.... pfff!

Engagés dans le processus d’une adoption, on les envoya chez un psychologue, mais en vérité c’était une farce. Une farce d’une cinquantaine d’année, type brune lourde, vêtue d’une robe uniforme noire, chaussée de grosses lunettes noires, avec un casque façon Sonia Rykiel, noir, et un rouge à lèvre, rouge… 85 kilos de graisse blanche, jalouse, vindicative, qui connaissait la directrice de l’association et se vantait d’être bien plus compétente qu’elle pour ce poste, qui leur expliqua que l’adoption n’était pas reconnu par l’Islam et que Sarah ne pouvait donc la revendiquer et qu’et puis merde les arabes ils font chier –même si Sarah était juive de souche, qu’elle s’appelait Corinne et était tout ce qu’il y avait de plus française-… Qu’enfin, elle aussi elle pensait un jour faire comme eux, adopter des petits sidéens… discours récurent, ils le savaient déjà, ils n’avaient pas fini de l’expérimenter.
Après le psychologue, le processus exigeait une visite chez l’assistance sociale. Si le psychologue était censé examiner leurs motivations et leur équilibre, selon le manuel de la DDASS, l’assistante sociale –qui en vérité avait un titre plus ronflant, mais peu importe le nom que se donne guignol- était chargé d’examiner leurs moyens et projets. Et à nouveau au en lieu et place, ils rencontrèrent… une autre farce. L’hiver avait décidé de cumuler Alain Juppé et les anticyclones le jour même de leur visite, comme si le monde entier s’était soudain ligué pour la conception de cette mascarade. L’équation fatale avait ainsi produit des grèves aussi mémorables que les kilos de neiges qui tombèrent toute la semaine sur la capitale. L’assistante social arriva donc avec deux heures de retard, et pendant les deux heures qui suivirent leur expliqua pourquoi elle avait eut… deux heures de retard ….
Deux heures d’interminables lieux communs sur l’hiver qui est trop froid, les grévistes qui sont pas raisonnables, les bus qui sont trop plein et quand même le service minimum ça serait le minimum ….etc… DEUX HEURES !!!!

Enfin ils rencontrèrent la famille d’accueil et la farce prit un goût de vice. Le mari avait 64 ans, prof de karaté, la femme en avait 30 de moins et autour d’eux cinq fils tous karatékas, de 7 à 15 ans... Leur bibliothèque étaient pleine d’ouvrages sur l’ésotérisme facile : la lévitation tibétaine, les soucoupes volantes, le mystère de Stone Age, les Cathares, les Templiers, les Illuminatis… Paranoïa, rêve d’un monde meilleur, recherche de pouvoir… Raph s’était toujours méfié de ce genre de lecteur mais ils avaient l’air d’une si douillette famille. Pourtant dès le premier instant la mère avaient fait une impression bizarre au couple. Pour autant on écoute pas toujours ses premières impressions. Hélas. Car cette femme là rêvait d’une fille, enfin une ! pour jouer à la poupée, pour pouvoir lui confier sa détresse, lui pourrir la vie à coup de douceur, sa fille, sa chose… et Doudja, qui, comme son frère, était tout sauf une imbécile l’avait parfaitement comprit.
En douceur, en mensonge, avec un art florentin de la stratégie la mère de famille divisa pour mieux régner et obtint la garde de la petite fille, qui laissa faire. En prodigieuse calculatrice de sa propre mort Doudja avait choisit la façon dont ça se passerait : Elle mourait dans les coussins roses, comme un caniche, gorgée de sucre. Et après tout comment lui reprocher ? Comment lui reprocher puisqu’elle savait sans aucun doute qu’elle faisait par la même un cadeau piégé pour cette femme malade, un poison à mort lente, au goût de sirop, bien pire que sa maladie : des regrets éternels.

Cela dura trois ans et quatre juges. Quatre juges qui se passèrent le dossier comme des hippies le pétard. Trois ans durant lesquels ils se fabriquèrent l’image de la famille d’accueil parfaite, et futurs adoptants modèles. Ils louèrent un trois pièces, la troisième devant être réservé aux enfants, comme Anna et Raph l’avaient promit à cette assistante sociale qui ne les écoutait pas. Ils reçurent les enfants, les emmenèrent en vacance, mais ils ne les reçurent pas beaucoup parce que, bien sûr pendant qu’Anna planait sur son nuage de certitude, les autres s’entre déchiraient à belle dent sur le sort des mômes, psychologues, médecin de Doudja, Sarah, la mère de famille…
Et puis dans son besoin de se montrer comme un exemple magnifique et unique sur terre, sans doute, Anna se laissa convaincre par l’association de passer avec lui à la télé. Ils avaient l’air d’un ange et d’une vision Pulp de la brune des années 50, trop maquillés l’un comme l’autre. Raph se sentait comme un fauve pris au piège, Anna marchait sur un nuage de dignité. En face d’eux, une journaliste apoplectique qui leur avait confié dans la loge qu’elle aussi un jour elle adopterait des petits sidéens… Le fauve en cage, avec son instinct habituel avait parfaitement saisit l’effet qu’ils feraient dans le poste, eux deux, jeunes, beaux, le couple idéal qui allaient au front pour les autres, et il surveilla ce qu’il dit à cette dingue au micro, il laissa juste échapper une formule « on en prend pour dix ans » et la dingue la reprit sur le plateau. Le faire parler sans doute, avec une formule choc, la sienne… il avait marmonné une réponse, mais la formule avait bien tapé. Sarah comprit qu’ils voulaient garder les enfants dix ans, le père de famille karatéka leur expliqua qu’en fait c’était pour 50 ans qu’ils en avaient, bref même le quart d’heure célébrité ressembla à une farce.

Et, en attendant d’être des parents exemplaires, ils devinrent famille d’accueil idéal, comme l’exigeait le programme donc. Fallait prouver n’est-ce pas, que Raph et Anna était plus aptes que les autres à prendre en charge une enfant malade. Comme si la question de la maladie avait effleuré qui que ce soit d’autre qu’eux…
Alors ils prouvèrent…

- Disneyland… le pays du bonheur ! Wéééééééé ! éclata Raph en passant le portillon du parc d’attraction. Anna éclata de rire avec ses copines. Et puis il se retourna et héla les enfants : Eh les mômes c’est par ici que ça se passe !
Les enfants se précipitèrent, les trois frères Djalila dépassant d’une large tête la petite troupe en filant comme des dards vers les étalages les plus proches. Raph s’élança et les rattrapa en rigolant, Anna l’avait précisément fait venir pour eux. Un coup d’essais pour une sortie. Aucun n’était malade, bien au contraire, des pompes à énergie, mais leur mère l’était.
- Eh oh où tu vas Raoul !?
- J’m’appel pas Raoul ! protesta le petit garçon.
- M’en fout pour l’instant t’es un Raoul, Raoul. Alors amène toi par ici Raoul que j’aille chercher tes frangins Bill et Bob !
- Eeeheuuuh arrête de nous appeler n’importe comment toi !
Redevenant sérieux Raph fixa l’enfant dans les yeux.
- Je t’appellerais Kevin quand tu comporteras comme un enfant et pas comme un crétin, compris ? Pour l’instant tu te tiens tranquille, on jouera tout à l’heure.
Le petit garçon repartit en sens inverse l’air grave. Raph alla récupérer les deux autres, aussi costaud que le premier, comme leur mère : famille sac de nerf. Tony était le plus turbulent, son frère se laissait entraîner, pour les raisonner il dut d’abord les maîtriser physiquement, ce qui consista à se transformer en jouet humain le temps qu’ils l’adoptent. Après quoi les trois frères lui obéirent à peu près toute l’après-midi. Un après-midi très physique il va sans dire, sous un ciel monotone et plombé. Mais ça lui faisait du bien de se secouer un peu, d’être avec des enfants, et qu’ils soient difficiles rajoutait de l’exploit. Pour les autres, pour lui c’était un état de fait, à l’age dix huit ans il avait comprit que les enfants avaient raison sur les adultes, rapidement il sut que dire, que faire avec eux, et depuis sa majorité qu’il voulait être père.
Alors cette après-midi là il s’attacha à ces trois frères. De loin en loin il suivit leur parcours, de loin en loin il espéra les revoir, savoir par exemple s’il avait fait un bon travail, s’ils se souviendraient de lui, une petite gratification quoi… mais non, Anna ignorait plus ou moins ses requêtes, et lui n’osait trop revendiquer de peur d’être vu et de se voir comme un genre de vantard, Joe le Super Educateur/Papa…
Et puis un jour ce fut de tout près qu’il suivit leurs parcours, en couleurs, sur papier imprimé, bien étalé sur le Parisien, et puis relayé à la radio aussi : l’Horrible Drame du Bois de Boulogne : un homme noie les trois enfants de sa concubine dans le lac.
Trois forces de la natures noyés comme des chiots.

Comment on vit avec ça ?

Et puis d’autres arrivèrent, d’autres enfants, d’autres drames. Ce môme, par exemple, si traumatisé par tout qu’il en était devenu incontinent ou presque, Raph ne réussit même à communiquer avec lui, un robot de 7 ans avec des yeux effarés et une vessie en berne…

Comment on vit avec ça ?

Et Lou ? Comment elle pouvait vivre avec ça ? Lou et ses cinq ans toute recroquevillée sur elle-même, dans le corps d’une petite fille de trois ans qui ne se développerait plus jamais. Lou qui ne pouvait parler qu’avec ses yeux, et c’était pas peu dire, ses mains pliées incapables d’attraper quoique ce soit, gloussements, grognements, pour langage articulé… et hurlements aussi. Hurlements de douleur….
Elle débarqua un soir, emmaillotée comme l’enfant saint. Un petit visage crispé, des yeux immense, petite blonde ondulé, un moineau taré. Lou n’avait qu’un seul régime alimentaire à son menu personnel : le gâteau au fromage, Anna avait tenté de l’en dissuader… mauvaise idée…
- Bleeeeeeeuuuuuuuuaaaaarg !
- Oh non, pas encore ! s’exclama Raph.
- Mais c’est pas vrai merde ! aboya Anna.
Troisième gerbe en deux heures. Du costaud, plein le lino, blanc pisseux, grumeleux, odorant. Ils épongèrent, Raph ouvrit la fenêtre, mais pas trop parce que la petite ne devait pas avoir froid.
- Bleeeeeeeeuuuuuuaaaaarg !
- Tiens l’usine a vomi s’est remise en route… c’est cool cette gamine, soit elle gerbe soit elle a des crampes…elle a pas la lèpre en plus des fois ?
Il éclata de rire, c’était nerveux, Anna l’imita, ils n’en pouvaient plus. Elle céda, sortit le gâteau au fromage que Lou dévora avec des gloussements de satisfaction, puis elle eut une crampe massive. Elle hurlait, son corps arquebouté sur le lit, rouge comme une rose écrasée et il était là, assis, impuissant, tandis qu’Anna pleurait à l’autre bout de l’appartement. Planté à côté de la douleur, incapable de prodiguer le moindre soulagement, réalisant qu’il n’était pas Jésus ni aucun super sauveur du monde, bêtement condamné à se faire assassiner lentement par sa propre naïveté. Heureusement pour elle, Lou mourut. Hélas pas assez tôt…
Revenir en haut Aller en bas
Mr Meuh!
Master de la Ceremony
Mr Meuh!


Nombre de messages : 1612
L'endroit où j'ai mes fesses posées :
Date d'inscription : 15/07/2004

Roman Empty
MessageSujet: Re: Roman   Roman Icon_minitimeMar 7 Juin - 21:56

suite et fin...



Comment on vit avec ça ?

Un soir il est seul avec les deux enfants, c’est la fin du week-end, dimanche à la nuit tombée et ils ne veulent pas aller chez la famille d’accueil. Ils pleurent, Amin puis Doudja, quand il en prend un dans les bras, l’autre va dans le coin et pleure de plus belle. Alors Raph se plante au milieu de la pièce, s’accroupis et dit :
- Ecoutez les enfants, je ne peux pas me couper en deux et vous voulez que je vous console l’un comme l’autre, alors vous croyez pas que le mieux c’est que vous veniez tous les deux dans mes bras et qu’on en parle le plus… ?
Les enfants se regardèrent gravement et puis se précipitèrent dans ses bras. Et on en parla plus.

Comment oublier ça ?


- Vous comprenez ma femme veut une fille, j’ai soixante quatre ans, je suis trop vieux pour élever un nouvel enfant ! expliqua un après-midi le karatéka à un Raph qui n’en cru pas ses oreilles.

Comment on peut supporter ça ?

C’était l’été, Juin exactement, sur la côte Normande, pas loin d’un phare planté en retrait, les premières et finalement les seuls vacances qu’ils vivraient tous ensemble. Anna avait trouvé une location, avec une terrasse, et la mer pas très loin. Les dunes, le soleil, la jolie petite ville du Touquet pas encore trop touristique, on leur avait même prêté une voiture. Ils lézardaient, laissaient les gosses jouer dans les dunes, prenaient des photos tous ensemble. Un petit avant goût d’un bonheur qu’ils ne connaîtraient jamais. Un jour, ils se rendirent sur un site historique, Doudja se fit une petite écorchure au doigt et par réflexe Raph suça le sang de son index.
- Euh… c’est pas très malin de faire ça, fit remarquer Anna.
Raph réalisa le risque qu’il venait de prendre en tentant de la soulager, Doudja comprit, leur regard se croisèrent et il pensa : bin si on est dans la même galère tant pis, c’est fait.
Plus tard il s’était retrouvé avec Amin, dans la voiture. Ils parlaient adoption, et Raph demanda au gamin s’il pensait qu’Anna ferait une bonne maman.
- Toi t’es un papa, elle s’est pas une maman, avait répondu fermement Amin, 5 ans. Et Raph savait parfaitement qu’Amin 5 ans en savait aussi long que Raph 33 ans.

Comment continuer à vivre avec ce souvenir ?


Comment on vit après s’être battu pendant trois ans quand une veille infirmière crémeuse se pointe chez vous, sur sa propre initiative, pour vous expliquer que pour le bien des enfants on allait séparer le frère et la sœur ? Donc à forcerie condamner Doudja.
- ASSASSIN !!! ASSASSIN !!! avait hurler Raph. SORTEZ IMMEDIATEMENT D’ICI ESPECE DE MISERABLE ASSASSIN !!!! DEHORS !!!
Voilà comment lui avait réagit.
- SORTEZ D’ICI OU C’EST MOI QUI VOUS SORT ! SORTEZ OU JE VOUS BOTTE LE CUL !!!!
L’infirmière avait balbutié, Raph debout, elle avait jeté un œil hagard vers Anna qui lui avait fermement confirmé que c’est bien ce dont il était capable. Alors était partit sans demander son reste.
Et Doudja mourut exactement un an plus tard, dans le secret des « adultes ». Sarah attendit qu’elle soit enterré cette fois pour les prévenir. Pas de scandale, pas même le droit à un deuil décent. Le coup fut si dur que cette fois le couple manqua de chanceler.

Comment on tient avec ça ?

Et comment Doudja a vécu sa famine ? La candidose qui lui bouffait la gorge et faisait de chaque bouchée l’effet d’avaler des lames rasoir, qui pleurait en mangeant et maigrissait à vue d’œil ? Comment a t-elle vécu le jour où son docte médecin lui a promit de ne pas lui enfiler une sonde dans les reins si elle grossissait. Une promesse qu’il était incapable de tenir bien sûr à une gamine à qui il ne fallait surtout pas tenir de promesse en l’air, mais qui n’empêcha pas Doudja de se mettre à dévorer du bel appétit de la petite fille courage. Comment vécu t-elle la pose de la sonde finalement en dépit de tous ses efforts ?
Elle ne la vécu pas, elle se laissa partir dans les coussins roses, comme un caniche, gavée de sucre.

Et lui non plus ne vécu pas, il survécu, et n’oublia jamais.
A la mort de Doudja, Anna sentit une telle menace pour son couple, qu’elle accéda finalement à sa requête, un avocat et l’association derrière eux. Mais bien entendu, c’était beaucoup trop tard… Raph était épuisé, Myriam avait perdu son pouvoir à la direction de l’association, deux juges de plus passèrent par là, le couple s’était peu à peu usé dans la douleurs des autres et leur propre ennui existentiel, les digues se rompirent quand enfin le sort d’Amin fut arrêté. Ca tombait bien, Anna ne supportait pas la pugnacité de leur avocate. Raph sombra pour une autre, avant de sombrer pour de bon.

Elle portait un pull fin turquoise qui moulait ses seins avec sévérité, un pantalon noir, un sac à main en bandoulière, noir également. C’était le printemps, le ciel était livide. Pas maquillée, elle avait le regard distant, les cheveux tirés en arrière, une expression de maîtresse d’école qui éclairait son visage d’une aura de juste sévérité. La femme indépendante qui le regardait s’approcher, plantée à côté de l’avocate. L’avocate n’était même plus son soucis. Ce n’était plus qu’un rendez-vous, un rendez-vous final et définitif, et lui ne lui bouffait plus le foie. Il avait grossit, le visage bouffi, les yeux éteints, les cheveux en bataille, avec des couches de pull sur lui et un pantalon chiffonné. Il ne sautait plus, il ne chantait plus, il n’offrait plus de bouquet, il était mort. Mort. Au téléphone elle lui avait dit :
- J’espère que tu ne vas pas demander la garde d’Amin !
- Mais non !
Un mois qu’il était sortit de psychiatrie, deuxième internement en six mois, deux dépressions nerveuses depuis qu’elle l’avait quitté…. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Il se sentait à peine capable de s’occuper de lui-même. Rien, elle ne croyait rien, elle le méprisait à son tour, il s’était effondré, bon pour la casse donc et assez con pour s’acharner dans son état.
- Salut.
- Bonjour, tu vas bien ?
- Ca va.
- On y va ?
-Mmmh.
Ils pénétrèrent dans le tribunal où au terme d’une nouvelle mascarade, la juge attribua Amin à son grand-père. Or c’était précisément parce qu’elle ne voulait pas qu’il ait les enfants que Tassadite avait demandé à Sarah de les adopter. Parce que ce grand-père, son père l’avait chassé quand il avait su qu’elle était enceinte de Doudja et que la seule chose qui n’avait jamais intéressé ce vieil homme c’était le mâle. Ni mal, ni fille, petite ou non. Mais Anna se sentit légère, enfin. Enfin tout était terminé, réglé, en sortant du tribunal elle déclara sur un ton définitif :
- C’est mieux comme ça… Je crois qu’au fond ce n’était pas mon histoire…
Raph la regarda sans rien dire, effaré et incapable de réagir, paralysé par les
antidépresseurs, les somnifères, les neuroleptiques joyeux des monstres heureux… Puis repartit en marmonnant un salut.

Quelques semaines plus tard, il avait vaguement reprit du service, accoudé au zinc, un clope au bec. Il écrivait sur un bout de papier piqué au bureau, une lettre qu’il n’enverrait jamais.

Ma chère Anna,

Te rappelles tu cette charmante plante qu’on avait offert un hiver à mes parents et qui produit de belle fleurs blanches ?Ils l’avaient planté juste à côté de la porte d’entrée, je ne me souviens plus de son nom. Elle se trouve toujours là-bas, c’est vrai qu’elle produit de belles fleurs blanches, blanches comme les fleurs qu’on met sur la tombe des enfants. Tu sais quoi ? Quand je pense à toi, je vais pisser sur les fleurs et je pense très fort : « de la part D’Amin, Doudja et Tassadite ».


La tasse de café glissa devant lui, le moustachu derrière le comptoir lui demanda :
- Vous voulez du sucre ?
Il prit la tasse et répondit sans sourire :
- Non merci je le bois amer.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Roman Empty
MessageSujet: Re: Roman   Roman Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Roman
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Roman

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Chien Rose :: les trucs qui bougent qui s'écoute qui se lise :: Lire-
Sauter vers: