Le général Trujillo régna sans partage sur St Domingue des années 30 à l'année 1961, date à laquelle il fut assassiné. Pour moi ce n'était qu'un nom, en l'occurence celui d'une fille que je connaissais quand je terminais mes études, sa mère était une Trujillo, son père le skieur millardaire Killy. Tout au plus j'avais en tête des images en noir et blanc de berline crême, du temps où les playboys dominicains s'affichaient au bras des plus belles comme Ava Gardner. Un cliché de presse et quelques lignes dans un bouquin d'histoire. C'est toujours ce qui reste des dictatures au fond, des images fortes de carte postale, cocotiers sur fond de cruauté et de richesse invraisemblable.
C'est un peu comme ça que Llosas (qui est péruvien) nous entraine dans le labyrinthe de ce Minotaure, ce Bouc qu'était bien le général Trujillo.
Son héroine, celle qui revient des années plus tard sur cette terre dont-il ne reste rien de l'ancienne satrapie, a un nom de planète froide et lointaine, c'est précisement ce quelle est devenue. Une planète lointaine, glacée, revenue pour toturer son père avec des mots.
Parallélement nous suivrons les dernières heures du dictateur, pénétrant au creux de sa propre cruauté mentale, sa folie de la propreté, de l'ordre, le plaisir qu'il tire à tourmenter dans leur âme sa cour. Ainsi qu'en même temps les derniers moments de liberté de ceux qui le tueront, dévoilant les motivations de chacun, tous ayant à régler un compte personnel avec ce Bouc. Un Bouc en rut, au langage ordurier dans l'intime, tourmenté ici par une prostate défaillante.
Ce livre est un oignon, il pelle l'image d'épinale du dictateur paternaliste mais sommes efficace (la réalité est qu'alors St Domingue est le pays le plus violent de l'hémisphère occidentale) et vous pelle, page après page, jusqu'à mettre à vif la réalité du monstre et de sa famille de dégénérés, le Général Ramfis Trujillo en tête qui vengera la mort de son père avec un sadisme sans égal, n'épargnant personne. Et l'auteur ici en fait de même de nous, puisqu'en très peu de mots, il ne nous épargnera aun détail.
C'est un peu ça sans doute le thème de ce livre, le sadisme, la cruauté. Comme le sadique son langage est simple, direct, et peu à peu, sans que vous en aperceviez, il vous entraine dans les ruelles sordides de cet abattoir kafkaïen dans lequel régnait un Bouc immonde, et révèle le coeur de son secret, celui de l'héroine, un des plus terribles sans doute.
Je suis entrain d'aligner les dernières pages, mais quand même... j'ai pas pu m'en empècher, hier, j'ai craché sur le visage satisfait et rondelet de ce porc à médailles qui fait la couverture du livre.